Améliorer sa pratique du recrutement

Clotilde La Batide-Alanore du CEPIG nous fait part des raisons et des différentes manières d'améliorer le processus de recrutement.

Clotilde LA BATIDE-ALANORE, Directrice Assessment-Accompagnement des parcours professionnels chez CEPIG, nous fait part des différentes manières d'améliorer le processus de recrutement.

L’acte de « recruter » n’a peut-être jamais été aussi stratégique. Il est impacté par la transformation du marché du travail, les évolutions sociétales, la pénurie de ressources et le déficit de compétences… Dans ce contexte, la démarche de recrutement ne peut plus se penser dans les mêmes termes qu’il y a une décennie.

Le défi pour les recruteurs, managers et responsables RH, c’est de trouver sur un marché souvent tendu et compétitif, des profils dont l’entreprise attend par ailleurs beaucoup. Or, les profils expérimentés avec de solides compétences techniques sont rares et les profils à potentiel ne sont pas toujours faciles à détecter. De plus, les compétences techniques ne suffisent plus, il faut veiller à ce que les candidats aient aussi les savoir-être indispensables pour coopérer de manière constructive, contribuer à la qualité du collectif, se montrer engagé et proactif.

Dans ce contexte, l’équation peut, dans bien des cas, sembler insoluble. Et pourtant, les conséquences financières, humaines, institutionnelles d’un recrutement raté ne sont plus à démontrer.

Pour tous les acteurs du processus de recrutement, il s’agit de parvenir à conjuguer plusieurs enjeux :

  • Rendre l’entreprise attractive et trouver comment attirer les candidats les plus adaptés.
  • Identifier, à la lumière des enjeux du poste, de la culture d’entreprise, de la personnalité du futur manager, les critères clefs de réussite ou au contraire les critères qui seraient rédhibitoires pour le développement de l’entreprise et du service concerné.
  • Détecter, en entretien, les probabilités de réussite et les risques d’échec.
  • Offrir à la personne une expérience candidat positive quelle que soit l’issue du recrutement.

Evaluer les conditions du pari

Pour répondre à ces différents enjeux, deux écueils principaux sont à éviter :

  • Le premier écueil est un excès de « marketing » : même s’il est essentiel de valoriser l’attractivité de l’entreprise, beaucoup de candidats sont maintenant attentifs au « Value Washing ». Un excès de promesses en termes de valeurs, de sens, de RSE induira une vigilance accrue du nouveau collaborateur dans sa phase de découverte de l’entreprise. Le sentiment de déception face à un trop grand écart entre valeurs affichées et valeurs vécues au quotidien peut conduire à un désengagement, voire à un départ rapide de certains profils.

  • Le second écueil serait une approche exclusivement « évaluative », qui consisterait à aborder l’entretien comme une démarche de validation en mode « oui/non » d’une liste de critères. Cette approche conduirait, sans doute, à ne jamais trouver le candidat idéal ou à exclure un peu vite des profils atypiques à potentiel qui n’entrent pas dans les cases.

Alors comment penser la relation candidat – recruteur et faire le bon choix ?

Et, plus fondamentalement, existe-t-il un « bon » choix ? Tout recrutement n’est-il pas d’abord et essentiellement une sorte de « pari » ? Tout dépend donc de la capacité des différents acteurs concernés à rendre ce pari « bon », fertile, dans le temps. Trois acteurs en ont les clés : la personne, l’entreprise à travers la figure du RH, le futur manager. Le recours à un partenaire (cabinet d’assessment), offrant un regard extérieur et objectif, peut aussi, dans bien des cas, être un appui appréciable.

Aborder le recrutement comme un « pari » mutuel dont il faut déceler et fiabiliser les conditions de réussite implique d’instaurer une logique de coresponsabilité, entre la personne et l’entreprise. Cette logique de coresponsabilité gagne à être plus explicitement exprimée et assumée dans les règles du process.

Affiner et valoriser l’acuité de votre appréciation sur les candidats

Même s’il ne s’agit plus d’évaluer de manière binaire une liste de critères, il convient de penser de manière globale la faisabilité de ce pari. Il faut à la fois voir et évaluer la compétence des candidats, mais aussi apprécier l’adéquation des profils avec la culture d’entreprise. Le premier revient le plus souvent au futur manager qui apporte la connaissance concrète des métiers ; le second relève la plupart du temps du responsable RH qui a davantage de recul pour apprécier l’écosystème dans lequel la personne serait amenée à se retrouver, avec ses enjeux humains et business, son niveau de pression, les transformations en cours… avec tout le savoir-être que cela induit.

Une lecture fine de l’écosystème permet d’évaluer les termes du pari, clarifier les attendus de toutes les parties prenantes (entreprise, manager, recruté), apprécier les chances de réussite et mettre en place les conditions nécessaires à l’optimisation du pari. 

Sur quoi votre attention doit-elle se concentrer ?

Plusieurs dimensions sont particulièrement cruciales, pour optimiser et fiabiliser le déroulé et l’issue du recrutement :

  • Le design de l’expérience candidat : depuis la phase de sourcing et de mise en lumière de la marque employeur, jusqu’à la fin de la première année dans l’entreprise. Avant l’embauche, il s’agit de mener à bien le process dans un délai serré avec une bonne articulation entre sollicitations en distanciel ou en présentiel, des temps forts à travers les entretiens avec le manager et avec le RH, mais aussi des « expériences » complémentaires et éclairantes pour le candidat comme pour l’entreprise : démarche d’assessment, organisation d’une rencontre avec un ou plusieurs futurs collègues… Une fois l’embauche réalisée, l’accompagnement et le suivi pendant la période d’essai, par le manager mais aussi le responsable RH, est un soutien discret mais essentiel pour que la « greffe prenne » : un parcours d’intégration réussi et qui tient compte des besoins spécifiques de la personne contribue grandement à la réussite du pari.

  • La complémentarité RH/Manager tout au long du recrutement et plus spécialement dans la phase amont. Faire dire à un manager, au-delà des « hardskills » ce qu’il attend de son futur collaborateur peut s’avérer moins aisé qu’il n’y parait. C’est souvent pour le responsable RH, son premier travail de « maïeutique ». Face à des indications comme « Pierre s’en va. Comme remplaçant, je veux le même ! » ou bien « Ce que j’attends c’est qu’il ait un bon savoir-être » … pas facile de clarifier les attendus ! L’enjeu d’un questionnement pertinent commence dès cette étape, pour amener le manager à mettre des mots sur ses attentes en termes de comportements observables mais aussi à prioriser ce qui est de l’ordre de l’essentiel ou du secondaire. C’est aussi un temps qui permet d’articuler au mieux le système de regards croisés entre manager et RH au cours du process de recrutement, en étant dès le départ très au clair, ensemble, sur le profil recherché.

  • Enfin, une clef absolument indispensable : la qualité et le savoir-faire dans les entretiens que vous serez amenés à conduire personnellement. Les trames et les outils importent… mais le tour de main, c’est-à-dire la capacité à décoder, rebondir, amener la personne à se révéler est plus crucial encore. Mener un entretien de recrutement dans un environnement contraint (attractivité, pénurie, contexte réglementaire, pressions au sein de l’entreprise…) est un exercice subtil.

Formuler, questionner, décoder

Trois clefs sont nécessaires pour réussir ces trois étapes. Il s’agit de savoir FORMULER, QUESTIONNER, DÉCODER.

  • FORMULER et REFORMULER : l’objectif est de développer la finesse d’expression nécessaire pour échapper aux « mots valises », aux poncifs entendus mille fois, mais derrière lesquels personne ne met la même définition : la bienveillance, le dynamisme, l’ouverture d’esprit… oui, mais encore ? Qu’il s’agisse de parler au candidat de la culture d’entreprise ou de répondre à ses questions, d’aider le manager à mettre des mots sur ses attentes ou bien de savoir parler du candidat avec précision après le rendez-vous avec lui, il y a un enjeu à affiner la pensée et, plus encore, à traduire certaines notions un peu trop générales à travers du concret, dans des comportements attendus.
  • QUESTIONNER : la « maïeutique », l’art du questionnement est un exercice exigeant. Il est déjà à l’œuvre dans la phase amont entre le manager et le responsable RH, mais il se révèle tout spécialement dans l’échange en face-à-face avec le candidat pour le mettre en confiance et l’aider à se révéler. Tout l’enjeu est de tenir une double ligne de conduite : à la fois avoir préparé une trame de questions et être à tout instant capable d’en sortir, puis d’y revenir. Ce va-et-vient permet à la fois de garder le pilotage de l’échange, tout en tirant parti de tout ce que le candidat commence à révéler de lui-même. La justesse de la question est aussi centrale : trouver la formulation qui va permettre d’obtenir des réponses concrètes, qui ne se perdent pas dans l’écran de fumée des généralités.
  • DÉCODER : la vigilance et l’écoute active sont centrales dans cet exercice délicat de l’entretien. lI s’agit de tout capter, non comme des vérités mais comme des indices, qu’il faut ensuite rapprocher, analyser pour, au fil de l’échange, confirmer ou infirmer les hypothèses. Cela passe par la prise en compte du non-verbal et du para-verbal mais aussi par la réactivité nécessaire pour relever et questionner tout ce que le candidat exprime de manière implicite (ses convictions, ses jugements, ses valeurs).

Cette triple compétence (1-formuler finement, exprimer avec justesse 2- questionner avec pertinence, aider l’autre à se révéler 3- décoder et comprendre la cohérence globale des indices récoltés) est le cœur de la plus-value du recruteur tout au long du process de recrutement. C’est un savoir-faire exigeant et passionnant, mais qui permet de contribuer de manière centrale à fiabiliser les recrutements et à faire réussir les « paris ».

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