“C’est la guerre des talents” ! Qui n’a pas déjà entendu cette expression à la mode dans le monde RH ? Aussi séduisante soit-elle, cette approche est néanmoins trompeuse voire carrément fausse. Pourtant, avec un marché du travail fortement perturbé par la conjonction d’une tendance démographique baissière et une redistribution des besoins en compétences, la notion a totalement le vent en poupe et continue d’alimenter le fantasme vieux comme le monde de la prédominance de l’inné sur l’acquis.
Comment pourrait-il en être autrement quand, l'enquête besoins en main-d'œuvre 2023 de France Travail met en avant que 61% des recrutements en France sont jugés « difficiles » ? Et que ce chiffre augmente chaque année ? Pourtant, il nous semble vital d’imaginer une voie plus nuancée face au “talent” car de cette vision du monde transformée peut découler d’autres formes de gouvernances et, in fine, un regard différent porté au développement des compétences et à la formation. Julien Ritzkowski, Directeur Commercial - Marketing de Quilotoa (organisme de formation spécialisé dans le développement des soft skills), dresse pour nous le portrait d'une guerre d'un genre nouveau.
Pourquoi la notion de talent est trompeuse ?
La croyance en un talent inné repose sur l'idée que certaines personnes possèdent des qualités suscitées qui les rendent naturellement douées dans certains domaines. Cependant, cette vision est contestée par de nombreux chercheurs.
Ainsi, la neuroscientifique Samah Karaki dans son ouvrage “le talent est une fiction” relaie notamment l’idée d’un “sac à dos invisible” transporté par chaque individu. Ce dernier représente les avantages cachés que certaines personnes ont, comme des ressources, des opportunités et des soutiens, qui ne sont pas visibles mais qui jouent un rôle crucial dans le succès et donc dans la perception de tel ou tel “talent” chez un individu donné. Par extension, Karaki remet donc en question la notion de mérite, soulignant que ce concept est bien souvent utilisé pour justifier des inégalités.
Ensuite si on adopte un point de vue constructiviste, nos perceptions de nos capacités sont souvent basées sur des hypothèses implicites qui influencent notre motivation et notre comportement. Parmi ces hypothèses la croyance en un “talent” socialement construit peut être déterminante !
Ainsi une étude menée à l'Université normale de Pékin a utilisé le jeu de l'ultimatum pour démontrer comment la croyance en la réussite par le talent influence les comportements. Dans cette étude, les participants qui croyaient avoir « gagné » dans un jeu précédent proposaient des répartitions d'argent moins équitables et ont adopté un comportement globalement moins altruiste que la moyenne.
Les sciences de l’éducation sont un terrain de jeu qui montre aussi le danger de la croyance en un talent inné et immuable. Carol Dweck a ainsi élaboré une approche autour de deux types d'états d'esprit. Le premier, appelé état d’esprit fixe, se retrouve chez les personnes croyant en un talent absolu. Leur comportement est donc orienté vers le maintien de ce statut quo (je suis “bon” là dedans, je suis “mauvais” ailleurs…). Le second, appelé état d’esprit de développement, part du principe que rien n'est acquis et que toute compétence peut être développée. Elle a ainsi observé des différences étonnantes en termes de comportements et de résultats entre les deux états d'esprit avec un avantage très marqué pour le second.
Les 5 effets délétères de la “talentisation” en entreprise.
Mise en place de programmes spéciaux pour des collaborateurs, managers à fort potentiel, stratégie de séduction élaborée par les entreprises pour attirer les “talents”, ... Les organisations redoublent de créativité et d’énergie pour répondre aux défis suscités par cette guerre d’un nouveau genre. Nous appellerons ce phénomène par un néologisme, la “talentisation”.
Pourtant, les résultats de telles politiques peuvent s’avérer contre productifs… En tant qu’organisme de formation et cabinet de conseil RH, nous observons des structures qui utilisent parfois des solutions pires que le mal lui-même. Les effets sur la motivation, sur l’engagement et même sur la productivité des équipes de cette course aux talents sont parfois catastrophiques.
Nous listons ainsi principalement 5 effets pervers :
- Le creusement des inégalités entre les équipes et les collaborateurs censés œuvrer dans un même objectif. Les entreprises qui se concentrent sur la gestion des talents peuvent ainsi créer des disparités entre les salariés, favorisant ceux qui sont perçus comme "talentueux" au détriment des autres. Ceci est d’autant plus vrai que les instruments de mesure du talent sont souvent calibrés sur la performance individuelle au détriment des compétences comme la collaboration ou l’esprit d’équipe plus difficiles à mesurer.
- La création d’une culture de la toxicité. Qui dit guerre, dit perdants et gagnants. Une compétition malsaine peut émerger, nuisant à la collaboration et à l'esprit d'équipe.
- L’auto-sabotage individuel ou collectif. Les individus peuvent se limiter en rejetant leur potentiel avec des phrases telles que "je ne suis pas fait pour ça".
- Le manque de motivation qui contamine les individus et les équipes. Les salariés plongés dans un tel environnement peuvent se sentir découragés et moins enclins à se former ou à acquérir de nouvelles compétences.
- Augmentation du stress et des situations de détresse psychologique. Dans un environnement où le talent est valorisé, les individus peuvent ressentir une pression accrue pour "performer", ce qui peut nuire à leur bien-être.
Repenser les modes de gouvernance et dépasser la talentisation
Tous ces effets négatifs ne découlent finalement que d’une chose, la croyance et l’utilisation dévoyée du terme talent. Pour avancer et se développer, l’organisation et les individus doivent donc d’abord réinterroger leur façon de voir le monde avant de pouvoir envisager de nouvelles possibilités.
Donc, plutôt que de croire à un talent inné et définitif, croire au potentiel caché de chaque individu permet d’augmenter sensiblement nos possibilités de croissance.
Ce sont les bénéfices de cette nouvelle posture qui ont été mis en évidence par les chercheurs Rosenthal et Jacobson en 1968. Leur découverte, appelée “effet Pygmalion”, établit une corrélation positive entre la posture d’un enseignant vis à vis d’un élève et les résultats scolaires de ce dernier. Autrement dit, lorsqu'une personne croit profondément dans le potentiel d'une autre, cette croyance se traduit souvent par des attitudes, comportements et encouragements positifs. Ces signaux, même subtils, renforcent la confiance en soi et la motivation de la personne ciblée. Cette dynamique favorise les efforts, l'engagement et le dépassement de soi, créant ainsi un cercle vertueux.
Ainsi, pour les organisations, le salut passe sans doute par une modification des critères de promotion qui doivent inclure autant les soft que les hard skills, un questionnement sur les modèles de gouvernance et un audit généralisé de ce qui constitue les forces vives du collectif : leurs ressources humaines.
Pour les individus, cela induit une prise de recul et une conscientisation de sa vision du monde afin d’en entrevoir les limites pour mieux les repousser.
Travailler sur les croyances individuelles pour mieux développer les soft skills.
Les soft skills touchent à notre humanité et à notre manière d'interagir avec les autres. Elles incluent des compétences comme l’empathie, la collaboration, la communication. Or, ces compétences sont souvent ancrées dans des croyances personnelles et des habitudes profondément enracinées.
Pour faire bouger les lignes il est donc nécessaire d’avoir une approche circonstanciée, contextuelle et fortement individualisée. C’est ce que nous proposons dans notre pédagogie au sein du cabinet Quilotoa.
Historiquement élaborée par des comédiens puis enrichie grâce aux apports de la psychologie et des sciences sociales, notre pédagogie s’appuie sur deux piliers :
- L’approche contextuelle et personnalisée de chaque individu dans un groupe. Lorsque nos formateurs et formatrices animent une session de formation, ils ne considèrent pas les participants comme un ensemble homogène. Ainsi, nous pensons que reconnaître que chaque individu a des besoins, des expériences, des compétences, des objectifs et un contexte unique est une clef de la réussite en andragogie (l'art et la science de l'apprentissage chez les adultes). C’est pour cette raison que nous prenons un soin tout particulier à recueillir et analyser les besoins des participants en amont du temps synchrone. C’est aussi pour cette raison que nous faisons le choix de réunir des groupes plus restreints (6 à 8 individus) pour favoriser l'interaction en valorisant la qualité du lien formateur - participant.
- L’importance de la mise en pratique. Nous croyons fermement qu’une répartition de 80 % de pratique et 20 % de théorie est particulièrement adaptée en andragogie pour développer les soft skills. En effet, nos mises en situations réalistes (réalisées avec des comédiens professionnels), nos jeux, nos phases de réflexions collectives favorisent l'acquisition durable et opérationnelle des compétences relationnelles, comportementales et émotionnelles car elles appuient sur la nécessité pour un adulte de vivre une expérience pour se transformer de l’intérieur sur des sujets aussi profonds que les soft skills.
Autrement dit, vous ne verrez jamais quelqu’un performer dans l’art de la communication orale simplement en regardant des vidéos ou en lisant toute une bibliothèque de livres consacrée au sujet. Il vous faut vous mettre en action !
Passer du talent au potentiel
En conclusion, chez Quilotoa, nous pensons que chaque individu et chaque organisation peut se développer. Nous préférons donc le terme potentiel au terme talent. Et c’est autour de ce cadre que nous animons depuis 1993 3 formations INTER entreprises et de nombreuses formations personnalisées en INTRA entreprise.
Alors, si vous souhaitez offrir une expérience transformante à vos managers ou à vos collaborateurs, n’hésitez pas à les inscrire aux prochaines dates de formation !
- 2 et 3 avril 2025 “Parole vivante !” - Développez votre capacité en prise de parole en public ou en réunion.
- 14 et 15 mai 2025 : “Parole assertive !” - Développez votre capacité à vous affirmer et à dire non.
- 25 et 26 juin 2025 “Parole influente !” - Développez votre capacité à influencer et à convaincre.