Rencontres autour de l'entrepreneuriat : Philippe Dupont

Philippe Dupont, ancien PDG du Groupe Banque Populaire et ancien Président du Conseil BPCE, nous livre sa vision de l'entrepreneuriat.

Comment est né votre goût pour l’entrepreneuriat ?

Je suis né dans une famille d’entrepreneurs, mes parents, mes grands-parents etc… étaient des entrepreneurs, et je suis la 6ème génération de cette famille d’entrepreneurs. J’ai terminé mes études à Paris-Dauphine au début des années 70 et c’est à ce moment-là que ma famille m’a demandé de reprendre l’affaire familiale.

 philippe dupont

Dès l’âge de douze ans, je travaillais un mois par an pour connaître l’entreprise et son fonctionnement. Puis durant ma licence, mon père a voulu que je travaille en même temps que je faisais mes études, j’ai donc remplacé pendant un an la comptable et j’ai aussi été représentant de commerce. Donc grâce à mes études de gestion ainsi que mon doctorat en gestion et finance, j’étais apte à devenir entrepreneur et j’ai donc repris l’entreprise familiale après avoir été diplômé.


Quelles sont les qualités principales que tout entrepreneur doit détenir selon vous ?

Tout d’abord, il faut du travail, je pense que la première nécessité est de beaucoup travailler, cela concerne tous les domaines où l’on doit apprendre. Un entrepreneur doit pouvoir s’adapter à toutes les situations. Ensuite, il faut aussi de la rigueur, la facilité quand on réussit notamment c’est d’aller trop en avant, il faut donc beaucoup de rigueur pour réussir mais surtout si l’on veut durer. Si l’on manque de rigueur, la réussite est éphémère. On l'acquiert par son éducation mais aussi par le respect des règles. Il y a des limites qu’il ne faut jamais franchir, confondre par exemple son entreprise et son patrimoine personnel. L’entreprise est un fond commun, il faut des valeurs pour respecter tout le monde (collaborateurs, employés, fournisseurs etc…). Pour être entrepreneur il faut être polyvalent, surtout lorsqu’on commence l’entrepreneuriat, il ne faut jamais hésiter à faire avant de faire faire. L’expérience compte beaucoup, il faut avoir cette capacité à comprendre les rouages de l’entreprise. Evidemment dans les grandes entreprises, c’est difficile. Par exemple, moi j’avais plus de 100.000 employés, du coup je n’avais pas le choix de faire faire, mais à ce moment-là il faut une capacité d’écoute très importante afin de comprendre les problématiques. Ne jamais hésiter lorsque l’on ne comprend pas, pour ainsi éviter des complications futures dues au fait que nous n’avions pas compris. Il faut donc rester humble, faire preuve de naïveté feinte, ne pas hésiter à aller au fond des choses, passer dans un premier temps pour un naïf et dans un second temps montrer qu’on veut comprendre. En tant qu’entrepreneur il faut aussi avoir de la chance malheureusement, il peut arriver d’être trop en avance ou trop en retard. Il faut être au bon endroit au bon moment, et c’est souvent quelque chose qui est dû à la chance, une rencontre, une mode, un élément du destin. Quelles que soient les réussites, le facteur de la chance rentre en compte, il ne faut jamais minimiser ce facteur, car c’est un élément important dans la réussite des entreprises.



Combien de temps avez-vous occupé ce poste ?

J’ai été président directeur général pendant 15 ans, auparavant j’avais dirigé une plus petite entreprise pendant 15 ans aussi. J’ai eu deux métiers pendant 10 ans en étant en même temps banquier et patron d’une moyenne entreprise. C’était compliqué, j’étais président du conseil d’une et président directeur général de l’autre. Je pense qu’on ne peut pas rester trop longtemps président directeur général d’une entreprise, notamment dans une grosse entreprise. Je pense qu’on perd en dynamisme si on reste trop longtemps au pouvoir, il faut faire de la place au jeune et faire autre chose. La meilleure des recettes pour la réussite c’est aussi de changer de métier. Même si on se plait et qu’on préfère rester longtemps, je pense qu’il est mieux de changer pour l’efficacité de l’entreprise. Il ne faut jamais confondre les fonctions qu’on occupe avec la possession de l’entreprise. On dirige l’entreprise mais ce n’est pas la nôtre. Souvent cette extension d'optimisme vous fait avoir l’impression de posséder l’entreprise mais vous êtes simplement à son service.



Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui n'ose pas se lancer ?

Je pense qu’il faut vraiment y aller franco dans le travail. En revanche, lorsqu’on crée son entreprise, on se doit au préalable de bien étudier le contexte, l’environnement, l’aspect juridique des affaires, le choix des collaborateurs etc… En général, quand on crée une entreprise, c’est parce qu’on a une idée, mais il faut valider cette check list à remplir afin d’éviter de perdre ce capital personnel qu’on va investir. Il faut quand même être accompagné, se poser des questions et faire différents scénarios notamment avec des contextes différents, s’entourer d’experts et de conseils. En revanche, quand on a un certain nombre de certitudes, il faut se lancer dans le grand bain et lancer son entreprise. Il faut aussi tout dire à son banquier, quand on a des difficultés il faut avouer plutôt que d’attendre. Beaucoup d’entrepreneurs considèrent qu’avoir des difficultés et faire faillite est un échec mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas rebondir. On constate, on arrête puis on repart sur d’autres bases, l’échec n’est pas définitif. Moi-même j’ai connu l’échec, j’ai conduit des entreprises en étant très jeune, j’ai commencé à créer des boutiques de ventes de légumes frais quand j’étais à l’université, et je me suis vite rendu compte que compte tenu du caractère périssable du produit, j’ai ouvert trop de boutiques et j’ai dû arrêter les affaires. Ça m’a apporté beaucoup d’expérience à 22 ans, mais j’ai réussi à rebondir dans de nombreux domaines. Il y a 4/5 ans j’ai créé avec des jeunes une société de crowdfunding, une plateforme de prêts participatifs, j’étais président et je les aidais. Mais je me suis rendu compte qu’on devait tout arrêter avant qu’il ne soit trop tard, il faut rester lucide dans toutes les entreprises que l’on est amené à créer, soutenir ou accompagner.



Observez-vous des différences dans le paysage entrepreneurial de vos débuts et celui d'aujourd'hui ?

J’ai la faiblesse de penser que c’est toujours un exercice difficile, quand vous créer une entreprise vous avez toujours un tas de barrières à franchir. Les technologies permettent toutefois d’aller plus vite qu’auparavant, mais je pense que c’est toujours aussi difficile de créer aujourd’hui, ça le restera d’ailleurs, il y a peu d’élus. La réussite des entrepreneurs a été due aux rencontres, au contexte, et cela s’appelle la chance. C’est un ingrédient indispensable encore aujourd’hui. Il faut aussi saisir toutes les opportunités, un entrepreneur ne doit jamais se décourager. Malgré la mode de création de startups par exemple aujourd’hui, l’exercice reste toujours aussi difficile. Il est plus facile aujourd’hui de créer son entreprise grâce aux technologies et aux aides qui n’existaient pas dans le passé mais les réussites se méritent toujours autant. Toutefois, c’est peut-être plus rapide aujourd’hui car les mutations et ruptures se sont accélérées. Il faut encore une fois être au bon endroit au bon moment, il ne faut pas se laisser dépasser par des réussites éphémères, où la croissance n’a pas su se renouveler et rester en accord avec le marché. En revanche, ce qui me fait plaisir c’est qu’aujourd’hui de plus en plus de jeunes souhaitent entreprendre, ça veut dire qu’il y aura tout de même plus de réussite qu’auparavant. C’est vrai qu’il y a 50 ans, plus de gens souhaitait être haut fonctionnaire plutôt que de créer son entreprise, car il y avait une prise de risque plus importante, c’est donc aujourd’hui un côté du progrès. Beaucoup de jeunes réussissent, et s’épanouissent aujourd’hui.

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