Les entreprises sont aujourd’hui confrontées à un double défi : innover en permanence pour rester compétitives et attirer (et retenir) les meilleurs talents. Face à ces enjeux, l’intrapreneuriat s’impose comme une solution stratégique. « L’intrapreneuriat est un formidable outil d’innovation, mais aussi un levier puissant pour dynamiser la culture d’entreprise et fidéliser les talents », explique Sihem Jouini, professeure à HEC Paris et spécialiste de l’intrapreneuriat dans les grandes entreprises.
Comment certaines entreprises réussissent-elles à créer un écosystème intrapreneurial ? Éléments de réponse avec Sihem Jouini.
HEC Paris
Un levier stratégique pour innover et attirer les talents
L’intrapreneuriat n’est pas un concept nouveau, mais il prend aujourd’hui une dimension clé face aux transformations du monde du travail et aux évolutions technologiques. « Les grandes entreprises doivent retenir leurs talents, mais aussi leur donner la possibilité de s’exprimer, notamment les plus jeunes », souligne Sihem Jouini.
Les nouvelles générations de salariés recherchent un environnement plus agile, où ils peuvent expérimenter, apprendre et donner du sens à leur travail. De leur côté, les entreprises doivent capter et exploiter les signaux faibles de leur marché pour anticiper les tendances et rester compétitives. « L’intrapreneuriat permet de capturer ces signaux et d’y répondre via des projets concrets », poursuit la professeure d’HEC Paris.
Au-delà du bénéfice immédiat des innovations potentielles développées en interne suite à ces initiatives, l’intrapreneuriat transforme aussi l’entreprise elle-même. Il diffuse un état d’esprit entrepreneurial, encourage la prise d’initiative et favorise une culture du test-and-learn, essentielle à toute organisation confrontée à un environnement incertain.
Un changement culturel et managérial nécessaire
Si les entreprises sont nombreuses à vouloir encourager l’intrapreneuriat, elles se heurtent souvent à des obstacles structurels et culturels. L’un des premiers freins est l’acceptation de l’échec.
Pourtant, dans de nombreuses organisations, l’erreur reste stigmatisée, décourageant ainsi la prise d’initiative.
Autre défi : la difficulté à lâcher prise. « L’entreprise doit accepter d’adapter le mode de gouvernance des projets menés dans ce cadre, le contrôle doit être plus souple pour ces innovations », insiste l’experte. Or, beaucoup d’initiatives intrapreneuriales restent bloquées au stade de l’idéation, faute d’un cadre managérial et d’attentes adaptés.
En effet, il est essentiel de permettre le développement de cultures managériales locales qui encouragent la prise de risque et d’initiative aux côtés de la culture du contrôle. « Il faut un régime managérial pour l’exploitation et un autre pour l’exploration et l’apprentissage », affirme Sihem Jouini. Pourtant, les managers, souvent pris entre ces deux logiques, peinent à donner aux intrapreneurs l’espace et le temps nécessaires pour mener leurs projets à bien.
Créer un cadre propice : entre structuration et état d’esprit
Les concours internes, hackathons ou laboratoires d’innovation sont des outils précieux pour favoriser l’intrapreneuriat, mais ils ne suffisent pas à structurer une démarche pérenne. Les initiatives s’essoufflent et les idées ne sont pas toujours soutenues jusqu’à leur réalisation. Un autre dispositif est l’open innovation qui consiste à «mettre en contact les startups avec les intrapreneurs», explique Sihem Jouini. A Station F, par exemple, les corporate accelerators (programmes créés par des grandes entreprises pour soutenir des startups) de L’Oréal ou Total par exemple (opérés par l’incubateur d’HEC) permettent de favoriser ces échanges.
Mais au-delà des structures, le véritable levier réside dans l’évolution de la culture et du mode de management. « Les managers doivent avoir la volonté et le courage de laisser se développer ce genre d’initiatives », insiste la professeure d’HEC. Il s’agit d’accepter l’incertitude et de ne pas juger les projets intrapreneuriaux selon les mêmes critères de rentabilité que les activités traditionnelles de l’entreprise. « On ne peut pas demander aux intrapreneurs d’inventer Uber et d’être rentable dans l’année ! » illustre Sihem Jouini dans un article publié dans la Revue Française de Gestion.
Mesurer l’impact, au-delà de l’innovation produit
L’une des causes de l’arrêt des initiatives d’intrapreneuriat est d’en attendre des résultats immédiats et monétisables. Or, l’impact de ces initiatives ne se limite pas aux nouveaux produits ou services développés.
Développer un état d’esprit intrapreneurial dynamise l’ensemble de l’organisation. Les collaborateurs deviennent plus autonomes, plus créatifs et plus engagés. Cette transformation culturelle, bien que difficile à quantifier à court terme, constitue un avantage concurrentiel majeur.
Intrapreneuriat et IA : un tandem gagnant
Avec l’essor de l’intelligence artificielle, la question de l’innovation interne devient encore plus cruciale. « Comme le digital, l’IA est un outil au service des métiers que les collaborateurs maîtrisent: ils ont la capacité à identifier les fameux cas d’usages qui manquent et à les intégrer dans leur métier », explique Sihem Jouini.
Pour exploiter pleinement le potentiel de ces nouvelles technologies, les entreprises doivent créer un environnement propice à l’expérimentation et au développement de nouvelles compétences. « On ne peut pas réussir une transformation digitale sans mode de fonctionnement agile et entrepreneurial », insiste-t-elle.
L’intrapreneuriat permet justement de faire le lien entre les avancées technologiques et les réalités métiers. « Les start-ups apportent des solutions technologiques, mais ce sont les salariés qui possèdent la connaissance métier. Il faut donc encourager les interactions entre ces deux mondes pour maximiser l’impact de l’innovation », ajoute la spécialiste.
HEC, un acteur clé pour structurer l’intrapreneuriat
Face à ces défis, la formation joue un rôle central. HEC Paris s’impose comme un acteur majeur du développement de l’intrapreneuriat en entreprise, grâce à son Institut d’Innovation et d’Entrepreneuriat, classé parmi les meilleurs hubs d’innovation européens par le Financial Times.
L’école propose des programmes spécialisés en Innovation, Intrapreneuriat et Entrepreneuriat aux entreprises et encourage les synergies entre étudiants, cadres en formation continue et start-ups pour maximiser l’impact des initiatives intrapreneuriales.
Loin d’être une simple tendance, l’intrapreneuriat s’impose aujourd’hui comme un vecteur essentiel de transformation pour les entreprises. Mais pour qu’il produise de véritables effets, il doit être soutenu par une vision à long terme, un cadre structurant et un management capable d’accepter l’incertitude.
Car, comme l’a montré Sihem Jouini, l’innovation ne se décrète pas : elle se cultive.
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