Transition digitale : le rôle de manager, entre conviction et adoption

La transition digitale est un phénomène qui se déroule depuis plusieurs années déjà. Toutefois, depuis l’apparition du tout-numérique et de la dématérialisation des processus, des données, des services, et parfois même des entreprises, ce phénomène est porteur d’autant d’innovations que de nouveaux défis. C’est en particulier le cas pour les managers, qui se doivent d’assurer la transition entre stratégie d’entreprise et réalité de terrain. Pour eux, plusieurs questions se posent : Ces enjeux modifient-ils leur rôle ? Comment les surmonter, tout en accompagnant efficacement leurs collaborateurs ?

Martine Caffiaux, directrice de programme (Executive Master Business Management, Diplôme Supérieur en Gestion des Affaires et des Equipes) à l'EDHEC BS, nous apporte quelques éléments de réponse.

Martine Caffiaux
EDHEC BS

Les défis : appréhender, maîtriser, innover

"Les défis posés par le digital ne sont pas nouveaux", commence par souligner M. Caffiaux. Aujourd’hui ils se concentrent principalement autour de 3 axes majeurs : la gestion des technologies et de l’IA, l’éthique et le droit, et la stratégie d’entreprise.

Intégrer la technologie à la stratégie d’entreprise

Les compétences liées aux technologies et intelligences artificielles sont multiples : rédiger un prompt efficacement, savoir comment récolter les données ciblées, se tenir au courant des solutions technologiques ou encore comprendre leur fonctionnement ne coulent pas de source. "La capacité à appréhender l’outil IA correctement est cruciale.", précise M. Caffiaux. Avant de le maîtriser, il faut déjà faire en sorte qu’il ne fasse pas peur à ses utilisateurs, le démystifier, afin de pouvoir ensuite acculturer et former les collaborateurs de manière efficace et durable. Rendre explicite l’intérêt des outils pour le « quotidien du métier » et pour l’amélioration de la chaine de valeur ; accompagner et donner du temps pour se former, afin de concrétiser durablement la transition digitale au sein de l’entreprise. Et c’est souvent le manager qui doit s’en porter garant aujourd’hui.

L’intégration des outils est en elle-même source d’enjeux puisqu’elle s’insère dans la stratégie d’entreprise. Elle doit être portée par les dirigeants et relayée par les managers. Comment mettre les outils d’IA au service de la stratégie et des engagements RSE de manière viable et cohérente, par exemple ? Comment faire évoluer les métiers, les pratiques et les compétences. Comment optimiser la création de valeur pour le Client, l’actionnaire et le collaborateur ? Comment réguler son utilisation, et en faire une force plutôt qu’une faiblesse ? Répondre à ces questions permet de transformer ces outils en leviers stratégiques, et d’éviter qu’ils ne deviennent une vulnérabilité. Encore une fois, on attend des managers qu’ils apportent réponse à la question de la gestion des ressources, des outils et leur allocation.

Par ailleurs, l’accroissement du nombre d’outils digitaux, et l’intensification de leur utilisation expose l’entreprise à de nouveaux dangers : gestion des vulnérabilités logicielles, sécurité des données, stockage dans des cloud, émergence d’APT (attaques persistantes avancées), ou sécurité des communications en sont quelques-uns.

Un cadre légal sécurisant et des collaborateurs à sensibiliser

La numérisation croissante soulève également des questions en matière d’éthique et de cadre juridique : les évolutions apportées au RGPD, l’introduction de bonnes pratiques, ou la révision de lois imposent aux entreprises de se mettre à jour sous peine de sanctions. "En Europe, on a cette chance d'avoir […] un cadre légal et éthique pour pouvoir utiliser ces outils." M. Caffiaux poursuit : "Les lois à venir vont faire évoluer les règles du jeu, au niveau national, et européen. Les managers vont devoir sensibiliser encore plus leurs collaborateurs au bon usage de la Data et à la protection des données. L’enthousiasme lié à la nouveauté doit être accompagné d’une responsabilisation quant à l’utilisation des outils."

La transformation digitale constitue donc une opportunité de gains d’efficience et de ré-interrogation des pratiques métiers pour l’entreprise, mais nécessite une vraie prise de conscience des impératifs légaux et des risques.

Le manager, facilitateur de la transition

Dans ce contexte, le manager est directement confronté à ces enjeux, et est en première ligne pour accompagner cette transition, car c’est lui qui transpose les attentes stratégiques de l’entreprise en actions concrètes.

Le rôle du manager prend une nouvelle tournure : il est celui qui fait preuve de curiosité, qui détecte et évalue l’intérêt du changement, qui le comprend, l’appréhende, pour ensuite l’insuffler aux autres de manière efficace. Sa mission ne se limite pas à la gestion des ressources, mais s’étend à la formation et à l’accompagnement des collaborateurs sur le terrain. Il démystifie les nouveaux outils et prend en charge leur implémentation.

En résumé, le manager permet d’accompagner la transition et la rend tangible. Plus qu’un gestionnaire, il endosse le rôle de passerelle entre les technologies et ses collaborateurs, et transforme les défis de la transition en véritables opportunités de réinventer son quotidien professionnel. Cependant, pour pouvoir endosser leur rôle pleinement, les managers doivent eux aussi se former et être accompagnés. "Pour être rassurant, il faut être soi-même être rassuré. Il faut donner les moyens aux managers de se sentir solides sur le sujet. Sinon, on fait reposer trop de choses sur leurs épaules et le métier finit par ne plus être attractif ou crée de la souffrance. Il faut donc les rendre familiers avec les technologies, et les rendre capables et désireux de transmettre, de transformer, d’accompagner." nous explique M. Caffiaux.

La formation comme levier de la transition digitale

La formation se positionne donc comme l’atout des entreprises qui souhaitent rester pertinentes. L’EDHEC accompagne ce mouvement, et aide les managers à développer leurs compétences grâce à son "Executive Master Business Management". "[Le programme] forme des professionnels au management des équipes, au management de la performance économique, et au management des transformations, car il aborde notamment : la RSE, l’IA, le marketing digital."

La transition digitale se ressent évidemment aussi au cœur de l’école, qui met en place différents procédés pour soutenir l’apprentissage de ses étudiants : interventions de professionnels reconnus en la matière, soutien à l’entrepreneuriat via un incubateur, certifications 100% digitales, … sont autant de moyens qui permettent à l’école d’être pertinente sur le plan digital.

Pour conclure, M. Caffiaux nous rappelle que la transition digitale n’est ni une baguette magique, ni une malédiction, "la vérité est plutôt entre les deux : il faut savoir mettre les outils à notre service et développer notre libre arbitre et notre capacité à (nous) poser les bonnes questions ", et la meilleure manière de s’y prendre est de se former !

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